Nos cicatrices
Il arrive que sur les blogs certains textes nous parlent ou nous touchent d'une manière particulière, en résonance avec notre propre histoire à un moment précis. Ce fut le cas pour celui-ci, et depuis qu'il a été publié, en 2015, je l'ai gardé dans un coin de ma tête, avec dans l'idée de faire un jour une photo pour l'illustrer. J'ai pu la réaliser grâce à Valentine. Trois ans après, oui, je sais que je ne suis pas rapide, mais les cicatrices ne sont pas toujours sensibles au temps non plus... En hommage aux coeurs abîmés d'une manière ou d'une autre, et qui pourtant vibrent encore.
Connais-tu l’histoire du piano de Hölderlin ?
Non ? Alors, écoute…
Après avoir reçu l’instrument en cadeau des mains de la princesse de Hambourg, le poète en coupa quelques cordes. Au hasard. Si bien que, lorsqu’il improvisait, Hölderlin ne savait jamais quelles notes allaient retentir et lesquelles allaient rester silencieuses.
Il y a dans le piano de nos vies, bien des cordes cassées ou rendues caduques par le temps. Certaines sont cassées depuis longtemps, depuis toujours peut-être.
Il y a des blessures qui ne guérissent jamais. Une cicatrice reste cicatrice ad vitam aeternam. Même si la plaie vive s’est refermée, il arrive qu’elle soit ravivée par un incident parfois ridicule, sans commune mesure avec la vague de souffrance qui vient soudain te pincer le cœur. On lit une phrase, on te dit un truc insignifiant, on te parle d’un ton un peu vif, tu apprends quelque chose que tu ne savais pas ou qui ne t’était pas destiné… et hop ! Tu te heurtes à ta corde cassée.
Pourtant avec des cordes qui manquaient et sans savoir d’avance lesquelles, Hölderlin le poète enchantait la princesse de Hambourg avec ses improvisations au piano, assez pour que Nancy Huston en parle, dans son roman déroutant mais passionnant, "Instruments des ténèbres".
Parfois on ne sait pas ce qu’on va pouvoir jouer, si on ne va pas buter sur des cordes manquantes. On le découvre quand c’est trop tard : on frappe le clavier qui reste muet, ou qui avorte d’une lamentable mélodie, fausse et tronquée. Et il arrive qu’on frappe exprès sur les mauvaises cordes pour se prouver à soi-même qu’on est nul…
Parfois au contraire, on ne s’attend à rien, on frappe le piano de la vie et il en sort quelque chose de magique qui nous surprend les premiers, et nous transporte dans le meilleur de nous-mêmes, dans le plus profond de notre Espérance…
Ce texte de Coumarine a été publié chez Cassymary. Il se trouve ici, "Carte blanche à Coumarine", avec mes commentaires de l'époque. Merci de tout coeur à toutes les deux... ♥♥ N'hésitez pas à aller leur rendre visite...
Et bien sûr merci à Valentine, pour sa confiance. ♥