21 février 2016
Nés quelque part
"ET SI TU ETAIS MOI ?"
C'est le titre de l'affiche placardée un peu partout dans la ville, alors à force de tomber dessus ça m'a interpellée et je suis allée voir cette exposition. Exposition/spectacle plus exactement. Car bien sûr c'est un thème qui me parle. Et si vous étiez moi, et si j'étais vous ? Sauriez-vous me comprendre, saurais-je le faire ? Que feriez-vous de ma vie, que ferais-je de la vôtre ? Et si vous étiez nés en Asie, en Afrique, ou n'importe où dans le monde, que feriez-vous, que ferions-nous ? Au delà des enjeux au coeur de l'expo, climat et développement durable, univers urbain, forestier, asiatique, insulaire, sahélien, c'est le côté humain du concept qui m'a attirée.
Alors pour une heure je suis devenue Nalin, cambodgienne, 19 ans. Ma religion est le bouddhisme, mon espérance de vie de 72 ans (Faut que je me dépêche). Mais les gens meurent beaucoup autour de moi, bien avant cet âge, car mon pays est en guerre. Mon père est agriculteur et cultive le riz. J'aime cette vie dans la nature et les rizières. Mais la situation se complique et je suis obligée de partir à la ville, à Phnom Penh, pour gagner de l'argent et pouvoir aider ma famille. Je gagne alors 128 dollars par mois dans une usine textile où je plie des chiffons à lunettes avant de les mettre en sachets, pendant 9 heures par jour pendant 6 jours, et une fois enlevé le prix du logement de la nourriture et des transports, il me reste 30 dollars. C'est le prix du trajet aller retour pour revoir ma famille. Mais si je veux les aider je dois leur envoyer cet argent... Que feriez-vous ? Et si vous tombiez malade, ou si votre main était hors d'usage suite à un accident, que feriez-vous ?
Les photos n'étaient pas autorisées pendant le parcours, alors j'ai juste immortalisé mon personnage et sa famille. Mais en pensant aux autres aussi. J'ai croisé une marocaine, vivant dans un bidonville à Casablanca. Son personnage a travaillé pour moi, mon vrai moi, quand je vivais là bas. Troublant, n'est ce pas ? Et si j'avais été elle ?
Moi je suis née en Lorraine, et ce n'était pas forcément toujours drôle. Mais je n'ai jamais travaillé en usine. Et je suis née à nouveau ailleurs, plusieurs fois. Dans le Nord, dans le Sud, dans l'Ouest, dans le Sud Ouest, et au Maroc aussi. On renaît toujours aussi avec ceux qu'on aime. Je suis née aussi à nouveau avec ce blog, je crois. :)
Les portraits sont de Bertrand Meunier. Plus d'informations sur l'exposition, à la Sucrière, ici. Une jolie expérience. J'ai regretté cependant de ne pouvoir en vivre qu'une seule à la fois. Je le recommande tout particulièrement aux familles avec des enfants.
Et si vous étiez moi ? Comprendriez-vous mes difficultés, mes peines, mes doutes et mes joies ? Et si en plus et au delà des couleurs de peau de la culture et de la religion éventuellement vous étiez grand petit gros maigre jeune vieux malade handicapé hyper sensible boderline et j'en passe ? Peut-on jamais se mettre à la place de l'autre ? Sans doute pas. Mais on peut essayer. Même si...
Commentaires
Nés quelque part
Un thème universel ainsi qu'une vie qui est hélas universelle pour beaucoup,c'est vrai que le lieux de naissance est important si dans ce lieu on s'y sent bien,ce qui n'est pas toujours le cas.Moi je suis d'ici mais je viens d'ailleurs comme beaucoup d'entre nous et les enfants misérables me bouleverse à chaque fois que j'en aperçois.Pas facile pour ces populations qui ont étés plusieurs foi retourner par les uns et les autres et qui sont exploités encore et toujours !
Bon dimanche !tu as sensiblement et très concrètement exposé cette question existentielle qui se pose inévitablement un jour: si j'étais un autre ? Vaine interrogation, puisque nous sommes déjà les autres ! Peut-être qu'égoïstement et par comparaison, elle nous sert à nous réconcilier avec notre destin et à partager un peu celui des autres. Ca me fait penser à l'expérimentation de Griffin dans les années 60 qui s’était mis dans la peau d’un afro-américain.
Je crois qu'il est très difficile de se mettre à la place de quelqu'un, on peut seulement essayer de le connaître un peu, mais on ne saura jamais tout de l'autre... il m'arrive de penser qu'on ne sait pas non plus tout de soi.
Cependant, je trouve que cette expo est une bonne idée... mieux connaître, mieux comprendre, même si l'on ne peut tout partager.
Je crois que rien n'est simple, mais tous les pas que l'on peut faire vers l'autre nous aident à mieux accepter nos différence, à mieux s'accepter soi-même aussi.
Bisous et douce journée. Merci pour cette page.Ce n'est pas simple...
C'est ce que je dis souvent à ceux qui sont inquiets de voir arriver ces milliers de réfugiés : Si on était à leur place, on s'enfuirait aussi. Ne serait-ce que pour sauver nos enfants. Bien sûr, cela n'efface pas les inquiétudes, mais que faire d'autre ?
Ce n'est pas simple...
Cette exposition a le mérite de recentrer le débat sur l'humain.T'en as tu encore beaucoup..
T'en as tu encore beaucoup des questions comme ça "Peut-on jamais se mettre à la place de l'autre ? Sans doute pas. Mais on peut essayer. Même si... " Des questions bien perturbantes....
Et si.. il nous était plus simple de se mettre à la place des autres qu'en nous même? N'est-il pas plus simple de connaître l'autre que soi? J'ai tendance à le croire. C'est un peu comme le phénomène de perception de notre vrai visage. Rares sont les personnes qui "s'aiment" en photo, parce que nous ne connaissons pas notre vrai visage. Le seul que nous connaissons est celui vu dans un miroir. Mais ce n'est pas celui que les autres voient. Tu vois où ça mène tes questions....
Bonne semaineCa serait bien que beaucoup soient déjà eux-mêmes, sans faire semblant. S'ils y parvenaient, ils pourraient envisager de se projeter dans la vie d'un autre avec l'ouverture d'esprit que nécessite l'exercice. Mais franchement, je vois mal certaines personnes se mettre dans la "peau" d'une femme kényane par exemple (choix non fortuit)
Un très beau sujet sur lequel j'avais longuement réfléchi à l'époque où était sorti la chanson de Goldman et Jones : "et si j'avais été allemand..." Les ouvertures de ce style vers une réflexion qui permet de sortir de l'égo, c'est formidable. Ôter ses pompes et enfiler celles de l'autre pour un instant vraiment, c'est ce qu'on devrait tous faire tout le temps dans les relations humaines. belle soirée
"Peut-on jamais se mettre à la place de l'autre"?
Rien de plus facile....................je le fais souvent dans la journée en jalousant , en critiquant , en jugeant , en maudissant l'autre.
"Et si tu étais moi"!
Ben je ne veux pas , suis trop bien dans ma tour , seul au monde ou pas en faisant rouler dans mes paumes de la main mes écus d'or , en les faisant miroiter aux yeux d'une belle "autre" mais ça c'était avant...................aujourd'hui l'humanité me prouve que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Oupsssssssssss je plaisantais va falloir faire beaucoup d'efforts.....de lucidité.
Il a tout compris Zweig.
Amitiés MadameUn sujet qui donne à réfléchir +++++++++ Le pourrai-je bien ancrée dans mon confort ?
J'ai passé une prime enfance merveilleusement heureuse à la campagne avec mes grands-parents qui étaient pauvres. Ils n'avaient pas le tout-à-l'égout et nous faisions nos besoins dans un seau avec de la javel au fond. Mon postérieur était trop petit pour le seau et j'étais donc obligée de me tenir aux bords ...! J'en garde un souvenir amusé +++
Je crois bien que je l'ai raconté dans mon blog DE SOUVENIRS D'ENFANT - CHAPITRE 7 =
http://laurejo.canalblog.com/archives/souvenirs_d_enfant/index.html
J'apprends avec plaisir que tu as vécu à Casablanca ?! J'y ai vécu 30 ans ...
Il faudra que nous en parlions!
"Même si "... je retiens tes derniers mots (qui ne m’empêchent pas d'apprécier les photos!!) et je serais volontiers pessimiste sur tes considérations philosophico-géopolitiques... Je penche plutôt pour cette attitude:
Avoir de l'empathie tout en considérant que la vie est un sport individuel ... Oui.Pastelle, je suis un peu perplexe....
Je pense aussi que cette expo ne peut que développer en nous le sens de l'humain, nous ouvrir à des modes de vie et de culture différents...
Et nous faire ressentir , je l'espère, un peu d'empathie devant tous ces visages.
Cependant, la question posée me semble de pure rhétorique !!
Se mettre vraiment à la place d'un autre est une belle utopie. On n'est pas chez les Bisounours !
Chacun de nous est enfermé dans son propre destin...
Commençons d'abord par voir vraiment l'autre l'accepter et le respecter...
Et ce sera déjà beaucoup.Je ressens très bien ton émotion face à ses vies qui ne sont pas les notre, et même si on essaie de s'imaginer à leur place, je ne crois pas que l'on puisse imaginer à quel point la vie peut-être dure et injuste pour beaucoup d'êtres humains sur cette planète !
Rien que tous ces pauvres gens qui fuient leur pays en guerre, combien il faut de peine, de larmes, de peur et de courage pour tout abandonner et partir vers un avenir si incertain ... et quelques bien pensant qui veulent les refouler comme des chiens galeux, ils mériteraient ceux là de vivre la vie des réfugiés. Oui je dévie un peu du propos, mais c'est que qui m'est venu à l'esprit ! bizNés quelque - part
... Au bon endroit et aussi au bon moment. Comme toi Sophie, la dernière fois que je suis née c'était à "overblogcity" alors j'ai raconté, et revécue ma drôle de vie... Un titre qui est une première réponse à ta question. Riche ou pauvre je ne me suis jamais demandé quelle aurait été ma vie...Handicapée, en Inde euh... sûr que je n'aurais pas bien aimé. Mais j'ai toujours regardé l'autre avec empathie, essayé de comprendre, pardonner. La tolérance, j'aime, je l'utilise lorsqu'une mauvaise pensée traverse mon esprit. Mais pour répondre sincèrement à la question... Où que je sois née, moche ou bigleuse etc... Je pense que j'aurais fait avec... Mais, cela aurait été difficile....;<(((((
PS: Nalin - Sophie je t'aimais bien tu sais...Je te lis et je bois du petit lait.
Je n'avais jamais pensé à cette question ... peut-être suis-je trop occupée par moi, les miens, mes soucis, ma vie tout simplement.
C'est peut-être égocentrique de ma part ... pourtant j'ai de la compassion pour la souffrance humaine.
Je suis la même pensée que toi lorsque tu dis que tu es née à plusieurs reprises. Et quel boulot pour arriver de nouveau à faire surface .....
Bien-sûr tout est question d'équilibre et cet équilibre si précieux est bien précaire parfois.
Douce journée. Je t'embrasseDéjà, ce n'est pas simple d'être soi, car on se demande toujours si on a fait les bons choix à tel ou tel moment de sa vie, on se dit que notre vie aurait été différente si ceci ou cela... Alors, se mettre à la place des autres, c'est encore bien plus compliqué ! Voilà une exposition qui doit faire vraiment réfléchir et, en mettant ainsi le doigt sur des cas concrets,cela permet sans doute de relativiser sur sa propre situation... Je pense que c'est surtout cela que j'en aurai retiré en sortant, mais peut-être que je me trompe, peut-être est encore plus troublant que ce que j'imagine... En tout cas merci pour ce joli partage.
A chaque fois que je me retrouve dans un pays étranger je ne peux m'empêcher de penser à ce que pourrait-être ma vie si j'étais né là.
A chaque fois ma conclusion est la même, à savoir que j'ai beaucoup de chance d'être né ici.
Cela me permet de relativiser nombre de choses et de ne pas passer mon temps à me plaindre de tout et n'importe quoi. Sport quand même pratiqué intensivement dans l'hexagone !
Ceci étant dit, je te souhaite un bon et rapide rétablissement.Je remonte petit à petit ce que j'ai loupé pendant mon absence. J'ai cessé de commenter sur les sujets plus anciens, mais là je ne peux pas m'en empêcher. Merci d'avoir partagé ça : l'espace d'un instant beaucoup se sont arrêtés pour se poser la question avec toi, certains ont sans doute franchi le pas pour aller voir l'expo. Les questions posées sont la base de nos rapports humains, mais qui essaie encore de se mettre à la place de l'autre ? Bravo aux concepteurs de cet évènement ; je vois que maintenant l'expo est à Roubaix. Quelle fasse le tour de France, on en a bien besoin...
Intéressant compte-rendu d'expo. Je pense souvent à cette autre vie, personnalité, qu'on aurait si.... comme le dit si bien la chanson de Maxime Le Forestier "Né quelque part" ♪