16 juin 2015
Patrice, l'homme illustré
Je lui avais dit que c'était le titre que je donnerai à ma note, il a souri. Je photographie rarement des hommes, mais il est un sujet qui me tient particulièrement à coeur depuis longtemps, c'est le thème du "double je", et aussi du lecteur ou de la lectrice, alors après avoir vu quelques images de Patrice, je l'ai contacté, timidement, disant que j'aimerais qu'on fasse une séance ensemble. "Je suis toujours partant" m'a t-il répondu. Entre ma demande et la séance photo, nous avons papoté, échangé. discuté, et j'ai commencé à découvrir et à apprécier un homme fascinant et terriblement attachant, au delà de tous mes à priori et toutes les apparences.
Je lui ai demandé d'apporter une tenue de ville et un objet qui lui ressemble, qui lui tienne à coeur. Il est arrivé au studio avec une garde robe complète et une multitude d'objets divers et variés, et j'ai été terriblement touchée de ses attentions. Il m'a montré qu'il m'avait écoutée, il a apporté tout ce dont nous avions parlé au cours de nos discussions, un échantillon de plusieurs de ses collections, en particulier des tableaux de cheveux, dont je ne connaissais même pas l'existence...
Je vous présente Patrice, un homme, un lecteur comme un autre... Ou presque.
Lors de nos échanges, il m'a montré l'endroit où il vit, fascinant... Avec un clin d'oeil à ma belle soeur. Clic pour agrandir, les photos ne sont pas de moi.
Me voyant sidérée par sa collection de globes de mariées, à laquelle chez lui il a consacré une pièce entière, il a eu la gentillesse de m'en apporter un. Mais le flash se reflétant trop dans le verre, j'ai été obligée de le retirer.
Cependant mon idée première avec Patrice était de jouer avec le thème du double, alors je l'ai enfermé dans une camisole, et lui ai demandé d'essayer d'en sortir. Cette photo est telle qu'il me l'a demandée, "le "normal" (les guillemets sont de lui) en transparent. Moi j'avais fait l'inverse. Mais c'est à chacun d'apprécier sa part de folie...
Sortir de sa prison...
Au fur et à mesure de l'extraction de la camisole, j'ai eu droit à un magnifique jeu d'acteur
Limite il me faisait peur, alors que quelques secondes avant j'éclatais de rire...
Il m'a permis de faire aussi ce portrait que j'adore
Double je, double jeu...
Jusqu'à la fin... Ces images ne sont qu'un extrait de la très longue série que j'ai faite, et que je n'ai pas encore vraiment finalisée à ce jour. Jamais je n'ai fait autant de photos en une seule séance ! C'était une première aussi. J'avais mis l'appareil sur pied, je parlais, et j'avais le déclencheur dans la main. Et j'ai eu le déclenchement facile, je l'ai trouvé génial à chaque instant. :)
"Apporte moi un objet qui te tienne à coeur". Il est venu avec cette statuette, je tiens donc à la présenter ici également.
Double je pour le lecteur aussi.
"Rien sans effort", c'était sa devise. Mais parfois il y a trop d'efforts à faire, trop de souffrance.
Aujourd'hui, Patrice n'est plus là, il était trop fragile et trop sensible pour ce monde je crois. Je suis très triste, comme tous les photographes et tous les modèles qui l'ont connu. Mais jamais je n'oublierai cette séance photo, sa gentillesse et sa générosité. Il me disait qu'il avait trois coeur. Il en avait rajouté un sous sa peau, mais pour moi le principal était dans ses yeux. Il était croyant, alors j'espère qu'aujourd'hui il a enfin trouvé la paix.
Pour les lyonnais, j'ai poursuivi ce thème du double, dans le cadre d'une exposition collective à Imag'In. L'an dernier le thème était "A table", et cette fois, c'est "Canapé". L'association possède en effet un canapé tout pourri, celui sur lequel se trouve Patrice sur la toute première photo. 12 photographes vont présenter leurs visions de ce canapé. Je ne connais pas moi même encore toutes les images, mais si vous êtes par là, je serai ravie de vous rencontrer, mercredi lors du vernissage ou un autre jour si vous me prévenez.
Commentaires
Wao quel personnage fascinant. Je suis triste avec toi et ses amis qu'il ne soit plus de ce monde. Que sont devenues ces merveilleuses collections? J'adore les globes de mariées (même si dans sa maison c'était un peu too much à mon gout...) que de belles choses! Et ses tatouages sont vraiment très beaux aussi! Quelle personnalité fascinante devait avoir cet homme!
De vraiment splendides tatouages...
J'adore tes photos, les mises en scène, ce qu'il dégage : TOUT!Pas de mot ...
... assez fort pour dire l'émotion ressentie devant l'homme que tu nous as présenté. J'en ai les larmes aux yeux !
Hormis la force incroyable de cette personnalité -apparente en tout cas- ce que tu montres et évoque en dit beaucoup sur le rapport profond, étrange, intime entre le photographiant et le photographié. J'ai ressenti qqc de cet ordre dans la séance de pose photo de "L'insoutenable étrangeté de l'être".
Ton billet m'a sonnée, Sophie, mais c'est une bonne chose, vivante !
Tendresses.J'avoue que je suis scotchée, émue, questionnée par ton si bel hommage à cet homme. Bravo pour ta construction d'article, pour tes sublimes photos. Mais les mots me manquent pour en dire plus. Merci pour cette si grande humanité que tu as et pour la délicatesse dont tu fais preuve dans ton travail photographique. J'en ai les larmes aux yeux...
ouah ! je suis profondément émue par cette mise en scène théâtrale majestueuse. On ne découvre qu'au final, qd le rideau tombe, que c'est en fait un hommage. D'autant plus poignant cet article !
Quelle découverte stupéfiante que de voir les différents aspects de cet homme avec ce contraste de sévérité classique et de folie artistique. Jamais, on ne soupçonnerait un corps si "habillé" sous le costume austère !
Un être attachant et émouvant "aux grands coeurs".
Que de "je" se camouflaient en lui ...J'ai relu ce message plusieurs fois, sans jamais arriver à mettre un com, tellement il me bouleversait. Le sujet du double-je est génial et quelle découverte derrière ce personnage sérieux en costume ! inouï ! une mise en scène très théâtrale et la beauté de cette peinture "sur soie", même si c'est du tatouage. Un coup de coeur pour le "coeur" ! et surtout une grande émotion pour ce regard très doux, qui contraste avec la sévérité de l'homme en costume, figé. Un grand homme, un grand article, une grande photographe aujourd'hui avec cet hommage magnifique.
Merci pour ce partage.
L'homme colorié
Salut Sophie,
J'ai découvert Patrice sur facebook grâce à toi ce qui m’a permis de lui laisser trois commentaires sur trois de tes photographies. Les voici sans les photos appropriées :
- Cette photographie en ne laissant quasiment rien transparaître est telle la surface d'un iceberg.
- Un compagnon ! Que dis-je ? : un frère ! Ce livre est mon frère parce qu'il est tatoué de lettres significatives, tout comme mon corps est écrit de dessins symbolistes.
- Une représentation de Sigmund Freud avec en camisole son double psychique. Un homme sérieux en apparence, mais à l'esprit troublé.
Je pense que Patrice était un personnage ambigu, et que ses pensées étaient bien plus introverties que ne le laissaient supposer sa bonhomie et l’extravagance de ses tatouages. Un homme où la douceur transparaissait, mais aussi avec un vide existentiel insurmontable. Peut-être sa quête d’absolu l’a porté à avoir une attirance certaine pour le passé ce qui laisse présager que malgré sa modernité, il n’était pas de ce temps. Je suis heureux de le voir publié sur ton blog, tellement Patrice et toi, vous avez su travailler ensemble à de très belles et surprenantes réalisations photographiques.
Bien à toi…